Mémoires de peau
Sur ma peau l’effleurement d’une plume
A réveillé le temps
Sur mon corps, en chaque territoire, jusqu’au plus obscur, au plus reculé,
Comme autant de mémoires, autant d’empreintes,
Muettes, cachées ou révélées,
Autant d’écailles, de carapaces fragmentées, de fleurs, de pétales,
Mille et un touchers, mille et une traces, soudain ravivés
J’avais oublié
Dans la matrice déjà de tout mon corps je touchais
Dès le début elle m’a touché
J’avais oublié
La douceur, la tendresse, l’accueil et la chaleur
Ai-je oublié ?
Sur ma peau sont restées imprimées
La main qui nourrit, celle qui berce
Est venue la main qui frappe, la main qui viole, la main qui tremble,
La main absente,
La main qui soigne et la main qui guérit,
Les mains de la douleur, les mains de la jouissance,
Les mains qui implorent,
Les mains ouvertes,
Les mains sur le cœur,
Autant de parcelles,
Autant de cristaux inconscients et prégnants
Et mes mains passent de l’eau à la terre,
Dans l’air, près du feu,
Sur un chêne, un cèdre, un pin, sur la mousse humide,
Elles touchent un oiseau, un cheval, une étoile,
Elles pincent les cordes, elles frappent le clavier,
Elles révèlent les couleurs
Elles sculptent les formes de chair et de pierre
Et puis
L’ai-je oublié, glacé, plombé, le toucher de la mort ?
Ai-je oublié cette rencontre, ce baiser saisissant, le baiser de l’ombre,
À chaque croisement ?
Sur ma peau l’effleurement d’une plume
A étiré le temps
Avant que ne surgisse la main de la passion,
Le toucher des amants
Main dans la main
Du bout des doigts
Jusque dans la paume
Sur ma peau la caresse d’une plume
A réveillé le temps
Alain Cassourra